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Alea jacta est

Ἀνερρίφθω κύϐος.

Dans les annales de l’histoire, certaines phrases ont le pouvoir de capturer un moment pivot, une décision qui a le potentiel de changer le cours des événements. « Alea jacta est » est une telle phrase, qui trouve ses racines dans l’histoire romaine ancienne. Traduite en français par « Le sort en est jeté », elle est emblématique d’une décision irréversible.

Jules César, ce général romain légendaire, est l’auteur de cette citation. Face au Rubicon, une petite rivière d’Italie, il se tenait à un moment clé de sa vie. La loi romaine était claire : tout général devait licencier ses troupes avant de franchir ce fleuve. Pourtant, César a choisi de transgresser cette règle, entraînant avec lui ses soldats, défiant ouvertement le Sénat romain et plongeant la République dans une guerre civile. Au moment de traverser, ces mots résonnèrent, marquant sa décision lourde de conséquences.

L’expression tire son origine du mot latin « alea », qui signifie « jeu de dés ». Lorsque les dés sont jetés, le résultat est incertain, et c’est cette incertitude que César a embrassée. En faisant ce choix audacieux, il adopta une attitude fataliste, prêt à affronter tout ce qui viendrait à sa suite. Cette notion de « advienne que pourra », sous-entendue dans la phrase, souligne le caractère inévitable des conséquences qui suivront une action déterminée.

Il est intéressant de noter que, bien que la tradition ait retenu la forme latine de cette phrase, « Alea jacta est », il n’est pas impossible que César l’ait plutôt prononcée en grec, en utilisant les mots : Ἀνερρίφθω κύϐος. Cette spéculation ajoute une autre dimension à l’histoire, soulignant l’influence grecque sur l’éducation et la culture romaine de l’époque.

Aujourd’hui, « Alea jacta est » a dépassé son contexte historique pour devenir un symbole de décision audacieuse et de défi face à l’inconnu. Elle nous rappelle que, tout comme César face au Rubicon, nous sommes souvent confrontés à des choix qui peuvent façonner notre destin. Elle évoque le courage de prendre des risques, d’accepter l’inconnu et de braver le sort, quelles qu’en soient les conséquences. C’est un hommage éternel à l’audace humaine et à la conviction avec laquelle certains sont prêts à défier le statu quo.

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1 réflexion sur “Alea jacta est”

  1. Petite précision : la phrase telle que citée par Plutarque est constituée d’un impératif aoriste passif, et signifie littéralement : « Que le dé soit jeté ». La traduction qu’en donne Suétone, en latin, signifie plutôt « le jeu de dé est lancé/jeté » ( alea est certes un singulier mais représente un nombre indéfini de dés, un jeu). Cela ne change pas grand-chose au sens profond, et cette citation, comme la plupart, est probablement apocryphe, remaniée ou résumant des propos similaires. Les auteurs qui nous la rapportent puisent eux-mêmes, environ 150 après le faits, à des sources perdues pour nous, mais si dans le détail ces citations ont peu de chances d’être littérales , elles convergent vers la même vérité du caractère de César, attestée par d’autres sources et par les faits historiques eux-mêmes : une audace aussi exceptionnelle que l’absence de scrupules du personnage, prêt à écraser la constitution de Rome, les lois, à lancer une guerre civile, assortie d’une haute conscience de sa valeur, comme le souligne dans un autre épisode la lapidaire formule « veni, vidi, vici ».
    Il est vrai que César, mis en accusation par le Sénat, qui souhaitait le juger pour des faits antérieurs lors d’une précédente magistrature, et lui demandait en quelque sorte de se livrer, à l’issue de son « imperium » proconsulaire, était dos au mur. Il prenait ainsi de vitesse Pompée, le grand homme de la République, vainqueur de l’Orient, surnommé d’ailleurs Magnus (comme Alexandre) et représenté en maître du monde, qui aspirait également au pouvoir suprême, mais en y mettant les formes et en gardant l’apparence de la légalité. Cette image des dés montre bien le choix délibéré de s’en remettre à un jeu, celui de la fortune des armes, plus qu’aux institutions de la République, déjà souvent mises à mal, il faut bien le dire, au cours de ce Ier siècle. Mais cette fois, le bouleversement sera définitif…

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